Musique et Autisme : comprendre, apprendre et aider

Le 7 mars 2025 s’est tenu un colloque exceptionnel rassemblant professionnels de la santé et de la musique pour partager les dernières recherches, idées, méthodes autour des bienfaits de la musique sur les personnes avec un Trouble du Spectre Autistique (TSA). 

Organisateurs :

  • Association A4 : association de parents, dans un premier temps, puis rejointe par des professionnels de la santé. Aide à proposer un dépistage précoce du TSA, accompagne les personnes et leurs familles de l’entrée en crèche jusqu’à l’école élémentaire. Permet des prises en charge efficaces dès le plus jeune âge.
  • Cap Enfants : entreprise à mission créée en 2006, réseau de 8 crèches musicales et multisensorielles en Ile-de-France. Pédagogie inclusive fondée sur l’art et la culture, l'égalité des chances.
  • APTE : association qui a développé la pédagogie DOLCE (abordée plus bas), permettant d’enseigner la musique aux personnes avec des TND (Troubles Neurodéveloppementaux) comme les TSA, les TDAH, HP et DYS, de tout âge et toute pathologie.

La musique comme soutien aux personnes autistes, dès le plus jeune âge

Le colloque débute alors avec la présentation du professeur Olivier Baud, pédiatre et chercheur en neurosciences, responsable du service de Médecine et Réanimation néonatale de l’Hôpital Cochin, autour du lien entre la musique, l’ocytocine et leurs effets sur les enfants prématurés*.

À 24 semaines de gestation, le système auditif du fœtus est déjà formé, lui permettant d'entendre de la musique et de ressentir des émotions associées. L'exposition à la musique peut influencer positivement le contrôle socio-émotionnel des enfants autistes.

L'ocytocine, hormone essentielle pour les interactions sociales et les émotions positives, est souvent réduite chez les prématurés en raison de leur environnement plus stressant et des interactions avec les parents plus limitées. Pour stimuler la production d'ocytocine chez ces nourrissons, il est recommandé d'encourager le contact peau à peau avec les parents et d'instaurer une routine de chant et de parole.

Des études montrent qu'une exposition à la musique de seulement 8 minutes, trois fois par jour, peut suffire à augmenter les niveaux d'ocytocine chez l'enfant tout en réduisant le cortisol, favorisant ainsi un développement émotionnel plus sain. Il a été constaté que l’exposition à la musique permettait de réduire l’écart de formation des amygdales cérébrales entre les nourrissons prématurés et non-prématurés. La Fondation Gautier Capuçon soutient d’ailleurs des initiatives dans le service de néonatalité de l'hôpital de Port-Royal à Paris, soulignant l'importance de ces pratiques.

La musicothérapie : véritable soin 

Le colloque s’est poursuivi sur une étude de la musicothérapie, réalisée par Stéphane Scotto di Rinaldi, doctorant en psychopathologie au CERPPS, Université de Toulouse J. Jaurès, psychologue et musicothérapeute et docteur Bruno Gepner, psychiatre et chercheur à l’Institut de Neurophysiopathologie (Faculté de Médecine de Marseille).

Pour contextualiser cette étude, les chercheurs ont d’abord rappelé que la musique a une fonction sociale, c’est un engagement temporel et multisensoriel, elle sculpte le cerveau. Elle est bénéfique pour notre santé puisqu’elle produit de l’ocytocine et de la dopamine. La musique produit différentes émotions et pensées :

  • Une musique joyeuse amène des pensées d’avenir et des émotions positives
  • Une musique triste pousse à l’introspection et permet de solliciter la mémoire

La musique peut avoir beaucoup d’effet chez les personnes TSA du fait de leur hypersensibilité, d’un possible développement d’une synesthésie, ou de l’oreille absolue, ou du fait de la fascination pour l’ordre et la régularité.

Concernant la musicothérapie, il était important de rappeler qu’il ne s’agit pas de pédagogie. C’est une véritable pratique thérapeutique, qui est utilisée soit pour rediriger vers la psychothérapie ou pour remplacer la prise de médicaments.

L’étude des deux chercheurs portait sur des expériences en groupe, de 2h/semaine pendant 3 ans. Il a été remarqué que cette pratique permet de sortir les individus de l’isolement, de développer l’expression de la sphère émotionnelle et de l’expression verbale, et renforce l’inclusion. Les musicothérapies peuvent également diminuer l’anxiété et la dépression chez les personnes qui en souffrent.

Lors de la présentation, une question autour de l’éducation musicale a été soulevée. En effet, l’éducation musicale a un rôle très positif dans l’amélioration des connexions neuronales et le traitement de certains troubles, comme le développe les travaux du chercheurMichel Habib (plus portés sur les personnes DYS). Mais le système d’apprentissage que l’on connait actuellement (écoles de musiques, conservatoires) peut rendre l’apprentissage difficile pour les personnes autistes, il convient donc de proposer des ateliers de groupe et/ou une méthode d’apprentissage adaptés.

L’apprentissage de la musique : quelles solutions, quels effets ?

Eve-Marie Quintin, neuropsychologue et psychologue scolaire, mène des recherches à l'Université McGill de Montréal sur les avantages des programmes de musique en milieu scolaire pour les enfants autistes. Ses études montrent que ces enfants ont une meilleure perception du rythme lorsqu'il est synchronisé, et qu'ils sont plus aptes à reconnaître les émotions véhiculées par la musique que celles exprimées par la voix parlée. Il est crucial de respecter leurs préférences musicales, car cela renforce leur engagement et leur plaisir dans l'apprentissage.

L'une de ses études portait un cercle de tambour, mettant en avant les bénéfices cognitifs des percussions. Les résultats indiquent que ces programmes musicaux favorisent de meilleures relations entre les élèves et leurs enseignants, ainsi qu'une augmentation de l'estime de soi chez les enfants. Les enseignants de musique peuvent jouer un rôle actif dans cette méthode appelée APPROSH**.

En France, Françoise Dorocq développe, elle, la méthode DOLCE. Venue présenter la méthode au colloque, cette dernière raconte l’avoir développée en 2006, un an après la loi de 2005 sur l’accessibilité***, lorsque les personnes autistes n’avaient pas d’accès à la musique adapté.

La méthode DOLCE est un cadre utilisé pour structurer des projets ou des processus d'apprentissage. Les cinq étapes de la méthode DOLCE sont :

  • Définir : Identifier clairement les objectifs et les résultats attendus du projet ou de l'apprentissage.
  • Observer : Analyser la situation actuelle, recueillir des données et observer les comportements ou les processus en place.
  • Lister : Établir une liste des ressources, des contraintes et des actions nécessaires pour atteindre les objectifs définis.
  • Construire : Élaborer un plan d'action détaillé en intégrant les informations recueillies et en définissant les étapes à suivre.
  • Évaluer : Mesurer les résultats obtenus par rapport aux objectifs initiaux, identifier les points d'amélioration et ajuster le plan si nécessaire. L’évaluation doit être fixée sur les items du TSA.

Les patients finissent par avoir accès au langage par le chant, et la pratique développe la psychomotricité fine des patients. Au-delà de l’aspect thérapeutique et des améliorations comportementales des élèves, cette méthode permet surtout de faire de ces jeunes des artistes, voire des professeures, comme Priscilla Lets, ancienne élève devenue professeure de piano présente elle aussi au colloque. Françoise Dorocq conclut à merveille cette journée en nous rappelant qu’au-delà de la volonté de les aider, soigner, cadrer, la musique permet de révéler les enfants avec des TSA : « Je veux qu’ils soient sur scène pour être applaudis pour ce qu’ils sont, des artistes ».

Article écrit par Gaëlle Magnien

Pour aller plus loin : 

*10% des naissances prématurées peuvent amener à développer un TSA. On constate une hausse des diagnostics d'autisme ces dernières années, cela s’explique par une meilleure identification des troubles et par des méthodes de diagnostic plus précoces.

**La méthode APPROSH (Approche Pédagogique et Rééducative par l'Observation et le Soin Humain) est une approche éducative et thérapeutique qui vise à soutenir le développement des enfants, en particulier ceux ayant des besoins spécifiques, comme les enfants autistes. Cette méthode se concentre sur l'observation attentive des comportements et des besoins des enfants, permettant ainsi d'adapter les interventions pédagogiques en fonction de leurs particularités.

L'APPROSH met l'accent sur l'importance des interactions humaines et des relations sociales dans le processus d'apprentissage. Elle encourage l'utilisation de techniques variées, telles que la musique, le mouvement et le jeu, pour favoriser l'engagement des enfants et stimuler leur développement cognitif, émotionnel et social. En intégrant des éléments sensoriels et en respectant les préférences individuelles des enfants, cette méthode vise à créer un environnement d'apprentissage positif et inclusif, où chaque enfant peut s'épanouir à son rythme.

*** La Loi du 11 février 2005 pour « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » vise à garantir l'accès et l'inclusion des personnes handicapées dans la société, en imposant des normes d'accessibilité et en promouvant des pratiques adaptées pour répondre à leurs besoins.

Concernant spécifiquement les personnes autistes, la loi de 2005 reconnaît la nécessité d'adapter les environnements physiques et sociaux pour répondre à leurs besoins particuliers. Cela inclut des aménagements dans les écoles, les lieux de travail, les transports et les espaces publics, afin de favoriser leur inclusion et leur participation à la vie sociale. La loi encourage également la formation des professionnels et des intervenants pour mieux comprendre et accompagner les personnes autistes, en tenant compte de leurs spécificités.